Nous, structures de l’Économie Sociale et Solidaire, associations comme coopératives, avons à cœur de mener à bien nos projets d’utilité sociale, en nous appuyant sur une gouvernance démocratique de nos organisations. Mais quand les drames de la vie s’invitent dans nos instances, ils nous amènent à prendre du recul sur notre fonctionnement, et à le mettre en perspective de nos besoins et de nos volontés.

C’est un de ces drames qu’a vécu le GEDES 35 en fin d’année 2022, avec le décès de son Président, Fabrice Hubert. Au-delà de l’émotion que la perte d’un être cher, tout collaborateur professionnel qu’il soit, suscite en chacun de nous, ce sont de vrais questionnements sur la gouvernance qui ont saisi le Conseil d’Administration du GEDES 35.

On partage avec vous ce moment de vie de notre collectif, comment nous l’avons abordé et l’angle par lequel nous avons décidé, ensemble, de le traiter. Si cela peut, humblement, vous inspirer dans vos propres réflexions, nous en serons ravis.

Constat de départ

Le mode de gouvernance du GEDES 35, tel que prévu dans ses statuts, ne correspond plus à son fonctionnement actuel, ni aux aspirations de son Conseil d’Administration.

La gouvernance est la manière dont le pouvoir est organisé et exercé dans une organisation. Plus précisément, il s’agit de l’ensemble des règles et des mécanismes formels et informels, dépendant des valeurs et de la culture interne qui structurent les prises de décision et leur mise en œuvre.

La gouvernance démocratique dans l’ESS – Avise et Démocratie Ouverte
Une gouvernance fixée par les statuts, il y a 18 ans

Le GEDES 35 a été créé le 11 février 2005. Depuis, si ses statuts ont fait l’objet d’une mise à jour à deux reprises, celles-ci ne portaient pas sur les articles ayant trait à la gouvernance. Dans nos statuts, il est fait état – comme bien souvent – du trinôme Président·e / Trésorier·e / Secrétaire.

Des aspirations de partage

En 2019, le Conseil d’Administration avait déjà mené un travail pour clarifier les rôles de chacune de ses instances de gouvernance. L’objectif était de déterminer clairement le périmètre d’action et de décision de chaque instance.

Dans la description du Bureau, on trouve la phrase « le bureau se veut une présidence collégiale » . Un vœu formulé à de nombreuses reprises, qui a parfois pris corps, mais qui ne s’est jamais réellement ancré dans le temps.

Une réalité encore différente

Entre ce qui est écrit dans les statuts et comment ses administrateurs décrivent sa gouvernance, se trouve la réalité du GEDES 35. Une structure encore inscrite dans une démarche classique, mais dont les aspirations n’ont pas toujours trouvé écho dans la pratique.

Le GEDES 35 a besoin de faire se rejoindre ce qu’il veut être, avec ce qu’il est. Mais comment, quand il est difficile de mobiliser ses membres, réussir à les faire s’investir dans les instances de gouvernance ?

Pour réussir ce pari, décision a été prise de mobiliser le collectif des adhérents du GEDES 35, afin qu’ils travaillent ensemble à faire se rejoindre les besoins de notre association avec les attentes et les motivations de ses membres.

Attentes, motivations et freins des membres du collectif

Le 2 février dernier s’est tenu un Conseil d’Administration tout à fait spécial. Ouvert aux membres désirant participer, il a été question des modes de gouvernance du GEDES 35, mais aussi des difficultés de l’engagement des adhérents d’une association dans ses instances de gouvernance.

Nous avons posé trois questions à l’assemblée mobilisée. Les deux premières concernent toutes les associations :

  • Quelles motivations poussent les adhérents à s’investir dans les instances de gouvernance ?
  • Quels sont les freins à l’engagement des adhérents dans les instances de gouvernance ?

La troisième question est plus spécifique à notre collectif :

  • Quelles sont les attentes des adhérents en matière de gouvernance du GEDES 35 ?

Et voici le résultat :

Beaucoup de post-it et un grand nombre d’idées et de pistes à creuser. Le collectif a été productif !
La retranscription et le regroupement des réponses donnent ceci :

Les besoins du GEDES 35 pour sa gouvernance

Si notre association avait travaillé en 2019 à clarifier le rôle des ses instances de gouvernance, elle n’avait pas été jusqu’à définir les rôles attendus de la co-présidence qu’elle souhaitait voir vivre.

Des fiches de fonction administrateur ont ainsi été construites, mettant en avant les périmètres d’action et d’engagement correspondants. L’objectif est de nourrir l’espace entre la détermination des orientations stratégiques du GEDES, et leur déploiement opérationnel.

Nous avons fait ressortir 5 grandes fonctions :

  • La gestion administrative : assurer la bonne coordination interne,
  • Les ressources humaines : participer à l’élaboration et à l’évolution de la politique de gestion des ressources humaines,
  • Les finances : suivre l’activité économique, participer à la préparation du budget prévisionnel et à l’analyse des données comptables annuelles,
  • La communication : assurer la cohérence dans l’élaboration et le déploiement de la stratégie de communication avec les orientations stratégiques,
  • Les relations partenaires extérieures : représenter l’association auprès de ses membres et de ses partenaires extérieurs, en défendre les intérêts.

Chaque fiche de fonction administrateur se découpe ainsi :

  • Phrase synthétique de présentation
  • Périmètre des missions
  • Investissement (notamment en temps)
  • Mise en perspective de la délégation à la direction
  • Lien avec les autres fonctions administrateur

La rencontre des besoins

Les attentes, motivations et freins des adhérents ont été verbalisés, les besoins de l’association ont été clarifiés, reste maintenant à trouver l’espace de rencontre et d’équilibre de tout cela.

Des premières clés sont facilement identifiables, et les échanges du collectif font émerger des points de vigilance à ne surtout pas ignorer. En voici une synthèse :

Vers un partage de la gouvernance

Le vœu des administrateurs de partager les responsabilités trouve écho auprès des participants. Mais la question de la faisabilité se pose. Qu’est-ce que la loi nous dit ? Et qu’est-ce que l’administration, le service public, nous permet de faire ?

La gouvernance collégiale : Les responsabilités sont partagées et l’autorité est distribuée entre plusieurs personnes qui n’ont pas de lien hiérarchique entre elles. Chacune est responsable d’une partie de l’activité de l’association et elles prennent ensemble les décisions importantes.

La gouvernance démocratique dans l’ESS – Avise et Démocratie Ouverte

La loi du 1er juillet 1901 n’instaure, outre l’Assemblée Générale et l’existence de deux membres minimum, aucune instance ni aucune fonction.

[…]
La déclaration préalable en sera faite au représentant de l’État dans le département où l’association aura son siège social. Elle fera connaître le titre et l’objet de l’association, le siège de ses établissements et les noms, professions et domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration.
[…]

Article 5 – Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association

Un partage des responsabilités autre que le trinôme Président·e / Trésorier·e / Secrétaire est donc légalement tout à fait faisable.

La déclaration des personnes chargées de l’administration de l’association auprès du service public propose d’opter pour les fonctions classiques, mais aussi pour d’autres modes d’administration : co-présidence, ou membre de la direction collégiale.

Le « quand ? » et le « quoi ? », deux questions essentielles

Les fiches de fonction présentées ont rencontré un vif succès auprès des participants. Et après le temps de réflexion individuelle sur les motivations et les freins, on comprend mieux pourquoi.

Les membres sont prêts à s’investir, à participer au projet et à son développement, mais s’ils savent en quoi cela consiste. C’est la réponse au « quoi ? » qui a été traité dans les fiches de fonction administrateur.
Pour chacune d’entre elles, il sera nécessaire d’affiner la question de l’investissement en temps, pour répondre au « quand ? ». Le manque de temps disponible est le principal frein à l’engagement des adhérents.

La gouvernance collégiale peut prendre la forme d’une co-présidence. Elle permet une complémentarité des compétences et une plus grande disponibilité des dirigeants.

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Favoriser la participation, la co-construction et la mutualisation

Les membres du collectif ont exprimé leur envie de participer aux décisions, de mieux comprendre le fonctionnement de l’association dont ils sont membres, et de réinvestir ce qu’ils auront pu découvrir ou expérimenter au GEDES 35 dans leur propre structure.

La participation s’étend au-delà de la gouvernance collégiale, et son degré pourra dépendre des sujets traités et de leurs enjeux.

Pour exemple, les adhérents intéressés par les sujets traités en commissions Emploi, Finances ou Communication pourront y participer pour construire, avec l’administrateur en charge et des membres de l’équipe pilote, une réponse adaptée. Ce peut être également la construction agile et collective de l’intranet dédié aux adhérents.

Conserver sa réactivité

Partager la gouvernance ne doit pas faire perdre sa réactivité au groupement, ni l’éloigner du concret. Les décisions doivent se prendre au plus petit échelon possible : c’est le principe de subsidiarité. Attention néanmoins à bien anticiper les risques que cela peut créer !

Anticiper les risques

C’est quand tout va bien qu’il faut prévoir le pire. Rénover sa gouvernance, c’est repenser le partage des responsabilités, mais également imaginer les risques encourus et comment les éviter. Il convient de déterminer une organisation équilibrée, qui protège l’association et ses membres, sans alourdir son fonctionnement.

Après demain…

D’autres questions peuvent encore se poser sur la gouvernance. Quelle place pour les salariés dans les instances de gouvernance ? La forme associative est-elle la plus adaptée ? Quid d’une évolution en SCOP ou en SCIC ?
Aujourd’hui, nous faisons aboutir la mise en cohérence de notre mode de gouvernance. Demain, après-demain, se poseront ces questions qui promettent des échanges tout aussi intéressants.

Une décision collective en Assemblée Générale

Prochaine étape dans ce travail de révision de notre mode de gouvernance : l’Assemblée Générale !
Le Conseil d’Administration y proposera un mode de gouvernance répondant aux besoins de l’association ainsi qu’aux attentes de ses membres. Les semaines qui viennent vont donc être studieuses, pour que le collectif puisse avoir matière à discussion lors de ce temps fort de la vie démocratique des associations.

Un grand merci à tous les participants, qui ont donné de leur temps et de leur énergie ! Vous êtes le GEDES 35, et vous nous l’avez encore une fois prouvé. 🙂

Pour aller plus loin

Voici quelques liens pour aller plus loin :